samedi 8 décembre 2012

Les vestiges du jour - Kazuo Ishiguro


"Le soir, c'est la meilleure partie du jour". C'est la phrase qui est restée dans ma tête après avoir lu le livre "Les vestiges du jour" de Kazuo Ishiguro. Comment je l'ai trouvé? J'avais envie de lire quelque chose sans aucune liaison avec mes préoccupations quotidiennes, une sorte d'évasion prévue pour les vacances de Noël. Je l'ai découvert par hasard en errant parmi les rayonnages de la bibliothèque et c'est le titre qui m'a tout de suite plu. Et je n'ai même plus attendu les vacances pour le lire. Personnellement, les "vestiges" me font penser à l'histoire, à un monde disparu, à une civilisation lointaine. Mais le livre d'Ishiguro m'a portée dans un univers clos, une société très hiérarchisée, dont je ne doutais même pas l'existence: le monde des majordomes. Et oui, peut-être vous avez maintenant un sourire au coin des lèvres, mais Ishiguro décrit très bien une sorte de "caste" professionnelle qui fonctionne selon des règles très bien définies et transmises de génération en génération.
Mr. Stevens est un majordome qui travaille dans l'une des grandes maisons de la société anglaise: Darlington Hall. Il est actuellement au service de Mr. Faraday, un Américain qui a acheté la propriété après la mort de Lord Darlington et qui lui propose de prendre quelques jours de congé, en s'offrant même de lui prêter sa voiture et de payer les frais. Pour se convaincre soi-même de l'importance de ce voyage, Mr. Stevens utilise comme prétexte le fait d'aller chercher Miss Kenton, une ancienne employée de la maison, qu'il voulait réembaucher.
Ce voyage à travers les paysages anglais est lui aussi un prétexte: le vrai voyage se fait dans le passé, en se remémorant les années de gloire de la maison. On voit très clairement la fierté avec laquelle Mr. Stevens parle de son métier; pour lui, les vrais majordomes ont deux qualités essentielles: la dignité et la loyauté. Et il essaye à travers les histoires qu'il raconte de nous, ou pour mieux dire, de se convaincre qu'il a ces deux qualités. Il a fait son devoir à tout instant, en mettant toujours sa profession devant sa vie personnelle: l'épisode de la mort de son père est dans ce sens très éloquent (il a laissé son père moribond à l'étage pour aller servir son maître qui donnait une soirée au rez-de-chaussée) tout comme le sacrifice de son amour pour Miss Kenton, amour qu'il n'avoue jamais, mais dont on devine petit à petit l'existence. Dans son monde, le sentiment n'a aucune place, c'est le devoir qui est roi. Il décrit toute une société en miniature des domestiques où les majordomes se considéraient comme une sorte d'aristocratie et qui essaye d'être une image de la grande société de leurs maîtres. Pendant son voyage, un incident l'amène à passer une nuit dans une maison paysanne où il est pris pour un gentleman en raison de sa voiture et de ses vêtements très soignés; il ne dément pas cette opinion fausse, tout au contraire, il laisse croire que ses relations avec les grands hommes politiques de l'époque étaient très amicales et qu'il a eu une certaine influence sur les décisions politiques.
Les événements qu'il se remémorent ont eu pour la plupart lieu avant la deuxième Guerre Mondiale et on voit y apparaître des personnages historiques comme Churchill ou Ribbentropp. Mr. Stevens voue à Lord Darlington une très grande admiration, il essaye toujours de le disculper, son ancien patron étant soupçonné d'avoir eu des idées liées au nazisme.
Le livre d'Ishiguro mêle l'histoire européenne à l'histoire personnelle d'un majordome, un récit qui présente les "vestiges" de la vie de Mr. Stevens: quelques souvenirs d'une vie entièrement dédiée à son métier. Une fois le voyage fini, la première pensée de Mr. Stevens est à comment améliorer sa pratique du badinage pour faire plaisir à son nouveau maître.
Un livre qui m'a fait parfois sourire, parfois m'attrister, mais ne m'a jamais ennuyée.

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