Une nuit à Tokyo. Ce sont les mots qui peuvent résumer Le passage de la nuit de Murakami, un roman intéressant, sombre, étrange même et attirant par son étrangeté. Je ne pourrais pas donner un résumé de l'action, il faut le lire pour le comprendre. Le roman est peuplé des personnages les plus différents, surprenant le lecteur par leur apparition insolite; chacun d'eux fait partie d'une autre histoire, comme si l'action principale était construite de petites histoires parallèles et en même temps paradoxalement entremêlées: dans la grande ville de Tokyo ces personnages qui n'ont apparemment strictement rien en commun forment un cercle étrange et leur rôle n'est jamais anodin. Cela m'a fait penser à l'existence en général, car la réalité n'est-elle pas une construction formée de petites bribes de vies personnelles? Chacun de nous vit sa propre réalité, comme les personnages de Murakami, sans se rendre compte qu'à côté de lui quelqu'un d'autre vit une réalité différente. Peut-on jamais savoir quelle est LA réalité? Tout comme le personnage de Eri, qui dort pendant tout le roman, transporté dans une réalité parallèle, derrière un écran de télévision...
Haruki Murakami a tout écrit comme si le lecteur n'était pas un lecteur, mais un spectateur qui regarde à travers une caméra, qui est en train d'enregistrer le tout, d'en faire un film; on se sent parfois comme un espion qui regarde des choses qu'il ne devait pas voir, qui s'introduit dans les chambres et dans les vies des personnages sans leur demander la permission. Le style est simple, il y a une distinction très nette entre les propos du narrateur - qui s'exprime par des phrases courtes, claires, prenant souvent la forme des didascalies - et les dialogues des personnages, qu'on lit vraiment comme des conversations, mais qu'on peut en même temps imaginer en tant que dialogues de cinéma.
Le temps a une importance capitale dans le roman, tout se passe en l'espace d'une nuit et les heures qui passent sont ponctuées par des dessins d'horloges, comme si le lecteur avait besoin d'un point d'appui pour ne pas se perdre dans une réalité atemporelle, l'auteur l'obligeant en quelque sorte à chaque fois à revenir au point où il le veut. Le roman s'achève avec le lever du soleil, mais le jour semble être seulement l'attente de la nuit suivante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires, avis, conseils de lecture? C'est votre espace!