J’ai découvert le roman de María Dueñas
par pur hasard : après une période où j’ai dû lire beaucoup de livres plus
« sérieux » et de la critique littéraire, je voulais tout simplement
me reposer en lisant quelque chose de plus facile, plus rapide à comprendre. Je
m’attendais, je dois bien l’avouer, à un roman sentimental et je me préparais à
lire une intrigue très prévisible, comme c’est le cas le plus souvent pour ce
genre de roman de « vacances ».
Le début du roman semblait répondre
parfaitement à cette attente : dans les années ’30, Sira Quiroga, une
jeune Espagnole d’origine modeste semble avoir un destin tracé d’avance :
suivre sa mère dans le métier de couturière et épouser par amour un homme de la
même condition. Sa vie va basculer au moment où elle rencontre Ramiro, un
séducteur dont elle tombe éperdument amoureuse. En même temps, elle fait la
connaissance de son vrai père, un riche aristocrate espagnol qui lui donne
beaucoup d’argent et de bijoux. Sira suit Ramiro au Maroc, elle lui confie tout
son argent et ses bijoux et se retrouve quelques mois après abandonnée à
Tanger, sans un sous et avec une dette colossale pour la chambre d’hôtel. Oui,
jusqu’ici, j’avais l’impression de me retrouver face à un feuilleton des plus classiques.
Dévastée, Sira se réfugie à Tétouan, dans
la partie du Maroc soumise à l’époque au protectorat espagnol, où elle sera
obligée de reprendre son activité de couturière pour pouvoir survivre et payer
sa dette. Elle réussit, après plusieurs péripéties, à ouvrir un atelier de
couture qui deviendra fameux parmi les dames de l’aristocratie européenne, en
général des Espagnoles et des Allemandes. C’est ainsi qu’elle fait la
connaissance de Rosalinda Fox, une Anglaise entraînée dans une relation sentimentale
avec Juan Luis Beigbeder, un haut responsable du protectorat. Les deux femmes
se lient d’une amitié sincère malgré les différences de classe qui les
séparent. L’Espagne est dévastée par la guerre civile et Sira décide de faire
jouer ces relations, et celles de Rosalinda notamment pour faire sortir sa mère
du pays et l’amener au Maroc. C’est ainsi qu’elle connaît Marcus Logan, un
journaliste anglais, mais aussi des personnalités politiques de l’époque, tel
que Serrano Suñer, le beau-frère de Franco, et autres responsables de l’Espagne
franquiste et de l’Allemagne nazie.
A la veille de la seconde Guerre Mondiale,
Rosalinda Fox lui fait une proposition à la limite de la raison : rentrer
en Espagne et devenir espionne pour le compte des Anglais, sous la couverture
d’un atelier de couture de luxe. Poussée par sa mère, Sira finit par accepter,
et de là, l’histoire devient une fresque de la société espagnole de l’époque de
Franco, scindée entre les intrigues politiques d’une aristocratie généralement
pro-allemande et les réalités sociales et économiques des gens du peuple dans
une Espagne encore ravagée par les horreurs de la guerre civile.
Une grande partie des personnages, comme Rosalinda Fox, Juan Luis Beigbeder,
Serrano Suñer, Franco la plupart des personnages allemands et anglais qui
apparaissent dans le roman, sont bien réels ; ils ont existé et ont
réellement vécu une partie des événements racontés. Le travail de documentation
de l’auteur est d’ailleurs expliqué à la fin du livre. L’histoire d’amour entre
Sira et Marcus Logan devient accessoire, la fin du roman le montrant très
bien : l’écrivaine propose plusieurs variantes pour le destin de ses
personnages fictionnels, laissant le choix au lecteur, se concentrant de
restituer le destin des personnes réelles. Somme toute, ce roman m’a
agréablement surprise par sa manière de raconter l’Histoire et de ne pas
ennuyer son lecteur : à part quelques chapitres du début, je n’ai jamais
pu prévoir ce qui va se passer avec les personnages.